Le venin de serpent




     Parmi les quelques 3 000 espèces de serpents dans le monde, environ 10% d’entre elles sont venimeuses et responsables de près de de 3 millions d’envenimations et de 125 000 décès par an. C’est ces chiffres conséquents qui ont poussé l’Homme à étudier depuis plusieurs dizaines d’années le venin de ce reptile mystérieux. 


Composition 


Les sécrétions produites dans les glandes maxillaires ( glandes de Duvernoy ou glandes à venin) par les serpents venimeux aussi bien que par les non-venimeux sont parmi les puis puissants des produits naturels connus. Les venins de serpent représentent un mélange unique et complexe de protéines et polypeptides qui présent des propriétés toxiques et enzymatiques. 

Le venin frais de serpent est un liquide aqueux, visqueux, incolore ou jaune, composé de 50 à 90% d'eau. On étudie sa composition après dessiccation (action de dessécher) sous vide ou lyophylisation, après quoi le venin devient stable durant des décennies sans perte de ses activités biologiques.
Le venin desséché est composé d'environ 90% de protéines et de polypeptides, tandis que les derniers 10% représentent des nucléosides (composé formé d'une base azotée et d'un pentose, par exemple l'adénosine), de métaux (calcium, zinc, aluminium...), de petits peptides, d'acides aminés et d'hydrates de carbone.


Une immense diversité


La composition du venin est très variable, selon les espèces de serpent, les populations ou même les individus. Les serpents n'ayant pas tous les mêmes modes de vie, la composition de leur venin diffère par:
- leur(s) fonctions(s): digestive, intimidante, défensive,...
- les cibles visées :Selon les cibles moléculaires visées, les éléments actifs seront différents d'un venin à l'autre.

Au delà de leur variabilité génétique, d'autres facteurs comme l'âge, l'origine géographique, ou encore les conditions d'alimentation peuvent être une cause de variabilité du venin. Les jeunes serpents possèdent généralement un venin plus actif que les adultes.

Les composés protéiques actifs


On rassemble sous le nom de composés protéiques actifs les toxines et enzymes composant les venins de serpents.
Une définition générale de ces deux éléments essentiels est donnée dans l'article Généralités.

D'une manière plus spécifique au serpent, les toxines agissent sur un nombre de cibles restreint (plus de détails plus bas). Les enzymes quant à elles, sont essentiellement des hydrolases et des amino-acide-oxydases. Elles ont en générale une fonction pré-digestive.

Pour ce qui est du mode d'action, il est important de réaliser que les composés actifs n'agissent jamais seuls: les effets provoqués par une enzyme ou une toxine sont en général amplifiés par un ou plusieurs autres composés. 

Les cibles moléculaires

L’effet des venins est très différent selon les cibles moléculaires touchées. C’est pourquoi il est courant d’étudier les composés actifs en les classant à partir de trois cibles principales : le système nerveux, le système cardio-vasculaire et le système sanguin.
Dans cette partie, enzymes et toxines sont mélangés dans les mêmes tableaux car on s'intéresse aux cibles moléculaires visées. On rappelle toutefois que les processus réactionnels restent différents entre les toxines et les enzymes. Pour en savoir plus à ce sujet, nous vous invitons à vous pencher sur l'analyse de la phospholipase A2 du venin d'abeille et sur les conotoxines.

Le système nerveux

     Les messages nerveux sont transmis sous forme d’un signal électrique conduit par des synapses. Ces éléments sont donc essentiels dans l’acheminement des informations à travers l’organisme. Les synapses sont donc naturellement une cible privilégiée pour les toxines, appelées dans ce cas neurotoxines.

Nom des toxines
Espèce/genre de serpent
Cibles moléculaires
Effets directs provoqués
Conséquences sur l’organisme
Phospholipase (PLA2)
Elipidae/Bungarus ;
Viperidae/Crotalus

Membrane des vésicules                              pré-synaptique

Blocage de la libération   du              neurotransmetteur          

Cet enzyme paralyse les muscles squelettiques
Dendrotoxine
Elapidae/Dendroaspis         

Canal potassique à la     jonction neuromusculaire

Facilite la libération d’acétylcholine

Concentration trop élevée d’acétylcholine, « sur-stimulation » des récepteurs nicotiniques, fibrillation musculaire, paralysie.                               
Fasciculine
Elapidae/Dendroaspis

Acétylcholinestérase (AChE) dans la fente synaptique

Inhibition de l’AChE
Toxine nicotinique (curarisante)
Elipidae/Bungarus;
Naja Hydrophidae/ Laticauda

Récepteur de l’acétylcholine nicotinique (RnACh)

Blocage de la transmission synaptique interneuronale

Paralysie du diaphragme, mort par asphyxie
Calcicludine
Elapidae/Dendroaspis

Canal calcique de type L,N,P au niveau du système nerveux central
Blocage du couplage excitation/contraction

Dysfonctionnement au niveau du cortex cérébral, de l’hippocampe, du bulbe olfactif
Toxine muscarinique
Elapidae/Dendroaspis

RmACh au niveau de la membrane post-synaptique de tous les systèmes nerveux

Blocage, modulation de la fonction muscarinique

Manifestation digestives et cardiaques douloureuses  



 

Le système cardiovasculaire


     Un nombre important de toxines de serpents ciblent leur action au niveau du système cardiovasculaire, que ce soit au niveau du muscle cardiaque ou des cellules musculaires.


Noms des toxines
Espèce/genre de serpent
Principe d’action
Sarafotoxine      
Atractaspididae/ Atractaspis             
    La sarafotoxine est une des plus puissantes toxines de serpents (DL50 d’environ 15 µg/kg). Elle est très fortement similaire à l’endothéline. Celle-ci est une molécule naturellement présente en très faible quantité chez les mammifères, ayant pour effet de se lier aux récepteurs des cellules musculaires lisses de différents organes vitaux (intestin, utérus, vaisseaux sanguins,…). Les différentes étapes du processus sont encore mal connues, mais la conséquences principales d’une trop forte concentration d’endothéline (ou, dans le cas d’une envenimation, de sarafotoxine) est la vasoconstriction (mécanisme de diminution du calibre des vaisseaux sanguins, provoquant un accolement des surfaces des vaisseaux, et un écoulement du sang ralenti).

Calciseptine
Elapidae/ Dendroaspis
    La calciseptine interagit spécifiquement avec les canaux calciques de type L, situés principalement au niveau des cellules cardiaques ventriculaires et des cellules musculaires. Sa fixation provoque le blocage du canal ionique, entrainant ainsi la suppression du processus excitation/contraction des cellules musculaires,  provoquant finalement l’inhibition de la contraction cardiaque (arrêt cardiaque).

Cardiotoxine
(cytotoxine)
Elapidae/Naja
    Les cardiotoxines affectent l’intégrité des membranes cellulaires, et notamment des cellules cardiaques. Par le biais de mécanismes encore mal connus mais faisant probablement intervenir une liaison avec des glycosphingolipides membranaires, ces toxines entrainent des perturbations de polarité des cellules excitables conduisant à des lyses cellulaires, voire des nécroses ou des arrêts cardiaques.


 

Le système sanguin

    
   De nombreux composés issus de venins de serpent (majoritairement vipères et crotales) exercent des effets activateurs ou inhibiteurs sur les mécanismes hémostatiques. Ces toxines modifient considérablement la structure et la constitution du sang, entraînant des dégâts rapides et mortels sur l’organisme ciblé.


Noms des toxines
Espèces/genre des serpents
Principes d'action
Désintégrine
Viperidae/Crotalus
          Les désintégrines se lient aux récepteurs des intégrines, ce qui conduit à l’inhibition de la formation d’un clou plaquettaire (qui a pour rôle de permettre l’adhésion des plaquettes sanguines, et donc d’empêcher l’écoulement du sang). Ces toxines sont donc la cause d’importantes hémorragies, externes ou internes.

Métalloprotéase
Viperidae/Crotalus
     Les métalloprotéases sont des enzymes très répandus et impliqués notamment dans la fonction digestive. Elles contiennent sur leur site actif un ion métallique qui permet de dégrader les peptides et les membranes cellulaires, ce qui, en conjugaison avec les désintégrines, entrainent hémorragies et nécroses.




 
  L'effet du venin de serpent (vipère de Russell) sur le sang humain

Pour en savoir plus : 
- sur les sarafotoxines
- sur l'action des venins sur la coagulation sanguine
- sur les métalloprotéases
- sur les toxines muscariniques

17 commentaires:

  1. Trop ouf l'effet du venin sur le sang !

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  2. Mais c'est trop déglingo ! Vive la nature. WildPower !

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  3. Blog bien expliqué et utile. Merci !

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  4. C'est trop interressant, le blog est tres bien construit!Bravo.

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  5. Blog qui explique très bien. Je compte bien utiliser les informations présentes pour mon TPE :-)

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  6. Aide nous aussi le sang!!!!!

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  7. svp aidez ns on est dans la mouise qqn aurait pas des photos de dessication de venin pour l'étudier svpppppppp ?

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